La journée a été longue, le CR l'est aussi
Samedi 7 août, début de soirée, avec Jérôme, on arrive enfin à Embrun où Oliv, Raph et leurs familles nous ont précédés de quelques heures.
Plus que 7 jours à attendre pour prendre le départ de l'Embrunman, Le Mythe !!!!
Il est temps après les nombreux reports de ces derniers mois : Le Frenchman en mai 2020, Copenhague en août 2020, Le Frenchman de nouveau en octobre 2020, le Frenchman, toujours, en mai 2021. Mais cette fois-ci c'est la bonne, la course aura lieu.
Le dimanche découverte du plan d'eau avec les copains et surtout du parcours course à pied avec la côte Chamois : 500m à 8%, suivie de la rue principale d'Embrun, des pavés au milieux des restos : 500m à 4%, qui seront à faire 3 fois une semaine plus tard, ça promet d'être intéressant...
Le lundi, reconnaissance de la première boucle de 40km, très sympa mais déjà bien difficile dès la sortie du parc.
Le mercredi avec Jérôme et Nico on va découvrir Chalvet la dernière montée du parcours. C'est pas facile mais ça passe, à voir dimanche après tout le reste.
La semaine sera top tous ensemble, entre découverte du coin, dont l'Izoard mais en voiture, baignades au plan d'eau et barbecues. L'ambiance est géniale, c'est les vacances, cette semaine sera vraiment une bouffée d'air pur.
Le vendredi on se rapproche de la course, la pression monte, en fait c'est plus que ça, je n'ai jamais monté de col (sauf Tredudon mais ça ne compte pas vraiment) et j'ai peur. Surtout des descentes, j'ai chuté en janvier et depuis dès que ça descend je suis debout sur les freins et là ce sera autre chose que les Monts d'Arrées. !!!!
Toute la semaine on guette la météo pour savoir quelle tenue prévoir dans l'Izoard et surtout la descente : veste ? Manchettes ? Mais tous les jours la température annoncée grimpe, ça règle la question le maillot suffira, il va faire très chaud. On discute aussi beaucoup de ce que chacun pense prendre à manger. Les interrogations sont nombreuses et à la mesure du défi qui nous attend.
Dimanche 15 août 4h, on est tous les 4 dans la cuisine, dans le calme pour les derniers préparatifs. On arrive vers 4h45 au parc, on installe tout, on vérifie la pression des pneus, Marie est souriante comme d'hab, elle sait ce qui nous attend pour l'avoir déjà fait 10 ans plus tôt.
Elle part dans la vague 1, on attend d'être appelés, et au moment d'enfiler mon bonnet, il se déchire en 2, la journée commence sous de mauvais augures. Je me précipite vers un arbitre, il me dit que ce n'est pas grave de nager sans bonnet. Arrivé sur la plage même question à un autre arbitre qui paraît embêté, une bénévole m'entend et part en courant, elle revient avec son bonnet perso, je suis soulagé, merci mademoiselle !!! Je rejoins Djé et Oliv (Raph sera dans la 3ème vague avec les élites et les seniors). On est sur la plage, ça va être notre premier départ de nuit, il va falloir s'orienter au mieux sur le premier tour. L'atmosphère est particulière, c'est le départ de l'Embrunman, grosse montée d'adrénaline d'un coup. Juste avant 6h c'est parti, je me colle au niveau de la hanche d'Oliv, l'idée c'est d'essayer de prendre ses pieds pendant un moment, ça tape pas mal et au bout de quelques dizaines de mètres il s'arrête et s'engueule avec un mec, je me dis que ça va être compliqué de rester près de lui alors je pars de mon côté. Le départ a été trop rapide pour moi, après plusieurs centaines de mètres je fais une pause de quelques secondes pour reprendre mon souffle. Ça va mieux, je suis bien dans l'eau, le jour commence à se lever, ça se passe bien. En sortant, coup d'oeil à la montre avant le lap : 1h11, super, je voulais être sous les 1h16, la journée commence bien. Arrivé dans le parc les copains sont là, c'est cool se retrouver tous les 3. Djé part rapidement, Oliv peu après, j'enfile ma tenue de vélo, mange une demi-barre, un coup d'eau et en avant...
150m après la sortie du parc on tourne à gauche et les hostilités commencent, 7km à 6%, il est tôt mais il y a énormément de monde, ils font beaucoup de bruit, ça donne des frissons. On a beaucoup discuté avec les autres de savoir comment gérer le vélo, au cardio ? au capteur de puissance ? un mix des 2 ? je maîtrise mieux le cardio donc ce sera ça, objectif ne pas aller au-delà de 170 pulsations quand ça monte. Après quelques centaines de mètres je suis déjà au-dessus, bon ok ce sera 175 max. je double pas mal, et je reviens sur Oliv assez rapidement, on échange quelques mots, puis je m'éloigne progressivement pour revenir sur Djé un peu plus loin. Je suis sceptique en voyant certains attaquer cette première longue montée sur le grand plateau.
Arrive la première descente, on l'a reconnue dans la semaine, elle est assez facile, ça se passe bien, j'y prend même du plaisir et de la confiance, je rattrape quelques concurrents encore moins agiles que moi, et je me fais peu doubler. Après Savines on peut enfin rouler un peu ça fait du bien, la moyenne remonte un peu. Puis arrive la route des balcons de la Durance, un long faux plat montant, prélude au gros morceau de la journée. Au 65ème les pentes commencent à s'accentuer avec la montée vers Guillestre, puis les gorges du Guil. Au 85ème à la sortie d'une épingle à gauche apparaît le panneau « col de l'Izoard, 14km, d+ 1170m », chaque kilomètre est balisé et on nous annonce la pente moyenne. Ça débute doucement avec un peu plus de 7% sur le premier, ça ne fera qu'augmenter à chaque panneau, mais pas de questions à se poser, direct sur le 34 il est là pour ça !!!! Je me fais beaucoup doubler et me dis que les mecs sont forts. Je ne m'en préoccupe pas, le classement est accessoire aujourd'hui. Après 8 kilomètres on est au-delà des 8,5% de moyenne, on est en fin de matinée et même à plus de 2000m d'altitude ça chauffe. Le pédalage est moins fluide, et des débuts de crampes apparaissent. Ça m'est déjà arrivé, je ne m'affole pas et me dis que les jambes vont avoir la descente pour récupérer. Les 4 derniers kilo sont à plus de 9,5 de moyenne, la vitesse oscille entre 8 et 9 km/h, c'est interminable, il est vraiment temps d'arriver en haut. Quelques dizaines de mètres avant le sommet Le Prez est là, il me dit que Marie est à 8 minutes devant, je lui dis que j'ai des crampes et je bascule enfin, après 1h21 de montée. Il reste 88km et c'est parti pour 19 km d'une descente inconnue, mais suite à la confiance prise dans celle du matin, je l'attaque sereinement. Ce n'est pas l'autoroute attendue sur ma gauche, au contraire je dépasse pas mal de monde, les sensations sont géniales. Ma peur des jours précédents se transforme en kiff terrible. Place au retour, avec le fameux vent thermique de face qu'on m'avait promis. Effectivement, il est bien présent et comme plus il fait chaud, plus il est fort, avec un bon 37°, il avoisine les 45km/h. Ça donne l'impression d'avoir un sèche-cheveux géant en face de soi. Au 130ème arrivée à la côte de Pallon, une ligne droite de 1,7km à 10,4% de moyenne en plein soleil. Après quelques centaines de mètres je reprends une Suissesse qui me demande si c'est encore long, un coup d’œil au profil sur le compteur pour lui annoncer un peu plus d'un kilomètre, elle soupire. Je la lâche mais elle me reprendra quelques kilomètres plus loin. Vers le 150ème, mes pieds commencent à me brûler, je desserre les scratchs mais ça va durer pendant les 30 derniers kilomètres. Au 177ème retour à Embrun, mais au lieu de rentrer au parc, on prend à droite pour la dernière friandise du parcours, la côte de Chalvet (6km à 6%), les encouragements de Nico et de Carine sont les bienvenus, je retrouve la Suissesse dès le pied, de nouveau elle me demande ce qui nous attend, et de nouveau elle n'est pas ravie de la réponse. Pas de vent, une route vraiment pas terrible avec une bonne grosse pente, ce n'est pas la même histoire que lors de la reco. Après 30 minutes d'ascension il ne reste qu'a redescendre. Je suis très vigilant, les 2 premiers kilomètres sont pourris avec nids de poule et gravier, les pieds brûlent, mais les crampes ont totalement disparu. Enfin c'est le parc et après 7h52, le vélo de l'Embrunman est fini !!!!
Je passe la trifonction rose, et là heureusement que des bâches empêchent le public de voir ce qui se passe dans le parc. Après plus de 400h d’entraînement depuis 8 mois je ne sais toujours pas quelles chaussures porter pour le marathon, donc il y a 2 paires dans la caisse. Ça aurait certainement fait rigoler les gens de me voir enfiler 2 chaussures différentes. Au feeling, les Boston l'emportent.
Feu pour le marathon, les jambes répondent bien, je pars en 5'15, avec Marie on se croise sur la digue, elle est quelques minutes devant moi, tout sourire. Il fait vraiment très chaud, il va falloir boire beaucoup et s'arroser à chaque ravitaillement. Sur le vélo j'ai pris la décision de marcher dans la Côte Chamois dès le premier tour, après 3km de mise en route, c'est le pied, un bout de banane 2 verres, d'eau, une douche avec les bénévoles et c'est parti pour la première montée. Je l'ai faite en courant 4 fois, plus tôt dans la semaine, mais là ce n'est pas la même histoire, même en marchant. Par contre dès le sommet ça repart la rue piétonne passe bien en courant avant la longue descente qui permet de récupérer, avec en plus de l'ombre bienvenue. Puis c'est la découverte de la partie que l’on n’avait pas reconnue, tout au fond du parcours. Dans ce coin là il y a peu de public, pas d'arbres, c'est du chemin bien poussiéreux, avec un petit faux plat qui en temps normal serait anodin mais pas là. Sur strava le segment est intitulé « la solitude », c'est tout à fait ça !!! le retour sur la digue est vent de face, je croise Olivier qui a l'air serein. Régulièrement il y a des supporters Finistériens, leurs encouragements font du bien. Le premier tour est bouclé en 1h20. Dès le début du second, je tombe sur le Kop : les familles Bescond, Bourdon et Brisset, ainsi que Marion et Seb !!! ils énormes, les autres spectateurs autour rigolent devant autant de ferveur, c'est juste génial. Je demande à Gégé si tout le monde est descendu du vélo, elle me dit que oui. Cool, pas de chute, ni de problèmes mécaniques. La course va être encore longue mais on est sur la bonne voie pour être tous finishers. Justement Raph arrive en face, on se tape dans la main, puis c'est Marie de nouveau mais je me suis beaucoup rapproché et peu de temps après le demi-tour je la reprends, elle me dit que les gels ne passent plus. La fin peut être compliquée si elle n'arrive plus à s'alimenter. Puis c'est Djé qui se présente, c'est parti pour lui aussi. 100m avant le Kop ça crie déjà, tous les passages près d'eux seront magiques. Raph est un peu devant, ça serait sympa de revenir sur lui et de faire un bout de chemin ensemble. Je reviens progressivement, on marche dans la Côte Chamois, qui pique bien plus qu'au premier tour. Il relance dès le sommet et attaque décidé la rue piétonne, du coup ce sera en courant pour moi aussi. Dans « la solitude » Jéremy qui se balade avec sa fille sur son vélo partout sur le parcours pour encourager Marie me tend son téléphone. Avec la fatigue je ne comprends pas trop ce qui se passe, jusqu'au moment où dans le haut-parleur ça crie « cousin !!! » c'est Pascal, moment un peu surréaliste. Au sommet du faux plat, je rejoins Raph, on va pouvoir courir à 2. Il va plus vite que moi, je reste un moment derrière lui à me protéger du vent, on recroise Oliv à peu près au même endroit qu'au tour précédent, puis je perds ses pieds un peu avant la fin du tour, passé en 1h23. Les 2 passages devant le Kop font un bien fou. Mais il fait vraiment très chaud, les arrêts aux ravitos sont de plus en plus longs, j'attends avec impatience chaque partie montante où je m'autorise à marcher, ce sera le cas de la rue piétonne cette fois-ci. Vers la fin de la montée, je ne me sens pas bien du tout, début d'hypo. Arrivé au ravitaillement suivant, j'engloutis 3 tucs et 2 bananes, puis je m'appuie un moment à la table. Il reste 9 kilomètres, pas question d'arrêter maintenant. La descente me permet de récupérer un peu. Ça explose dans tous les sens et il y a pas mal de concurrents en détresse (238 abandons sur 951 partants), mais la température baisse enfin quand le soleil passe sous la crête. Dernier passage par « La Solitude », puis à l'attaque du retour je me retrouve à suivre un duo avec 2 chouchous au poignet, ça me boost, je retrouve un peu d'énergie pour les taper. J'aborde seul la dernière ligne droite, Carine m'accueille avec ferveur, c'est fini je suis un Embrunman !!!! Je peux laisser éclater ma joie.
Au final l'effort aura duré 13h27m40s (4h11 sur le marathon)
Marie et Oliv arrivent peu après. Puis ce sera Raph, qui nous fera un petit malaise une fois la ligne franchie. Et Djé qui boucle le grand chelem. On l'attend juste derrière la ligne, on lui crie dessus et sa première phrase sera « vous allez me faire chialer », il a le droit après cette journée !!!
La deuxième c'est « Copenhague c'est niet » .... Mouais, on en reparlera:)
En rentrant du stage à Embrun, Raph nous a fait un débrief, je le cite : « vous n'imaginez pas ce que vous allez prendre dans la tronche », effectivement on ne pouvait pas !!!!
J'espérais gérer un peu sur le vélo et un peu sur le marathon, en prévision d'une éventuelle participation à Copenhague, Raph était sceptique, il avait raison, on ne peut pas gérer à Embrun, c'est bien trop dur !!!
Cette journée aura été aussi fabuleuse que difficile. Partager cette épreuve avec les copains et leurs familles. Aller au bout de soi-même et repousser nos limites tous ensemble, c'était magique !!!
A peine le temps de savourer, et dès le mardi, direction Copenhague pour peut-être remettre ça…