Mission KK3 (King Kerploug 3)

Flash back :  Mai 2013 - Lanzarote -  Puerto Del Carmen - 16h30

“….Allez Arnaud !!! tu es deuxième de ton G.A…bouges toi un peu…c’est presque fini…. ».

C’est en ces termes encourageants que Sébastien Escola Fasseur me boostait pour conserver ma place et obtenir le sésame pour Kona - Hawaï, la finale  mondiale Ironman. Ce slot,  je l’ai obtenu pour la troisième fois en prenant comme base d’entrainement le Plan que Nicolas Hémet m’avais fait en 2011, et qui donc avait déjà fait ses preuves. Seulement voilà, je sentais que j'allais avoir besoin d’aide pour Kona 2013.  Quant à aller faire cette course mythique, autant essayer de faire une bonne course. J’avais besoin de quelqu’un pour me coacher et m'aider à tirer de moi-même le meilleur possible. Nick avait une place dans son groupe d’entraînement (X-Pier) à partir de la mi-juillet, la fête pouvait commencer.

Deux mois et demi plus tard (natation 122km / 39h – Vélo 3500 km / 115h – Càp 581 km / 47h), je suis prêt et sur la ligne de départ

 

Flash back (2) : 6 Octobre 2013 – Aéroport de Kailua – Kona – Big Island – Hawaï

"… c’est bon ? Tout le monde a récupéré sa valise vélo et ses bagages. Yes !!!...Come’n everydoby, let’s go to Alii Dr et Princess Keelikolani Dr." nous annonce Nick, notre guide pour la semaine à venir.

"Alors pour les bleus-bites, bienvenue sur la Queen K. A Droite c’est Energy Lab, là on descend Palani Road (retenez bien ce nom, vous allez en ch...euh ..prendre du plaisir ici même !!!), Nous arrivons sur Alii Dr, là c’est le Pier (c’est tout petit hein ??)… à gauche le Lava Java Bar (on ira prendre un breakfast après la nata) , à droite White Sand Beach (vous verrez comme c’est beau au soleil)..et voilà, nous sommes arrivés, bienvenue dans la villa Tutu. Il fait presque nuit, nous sommes morts mais tellement content d'être là.


La semaine suivante fut magique, mélange de balades, de découvertes, de soleil, de camaraderie, de cuisine (merci Nick pour les Pancakes, merci Katia, Michèle, François et les autres pour la logistique), d’entraînement, d'eau turquoise, d’évènement Ironman (défilé des nations, Pasta, entraînement nata au Pier, village Expo ..), bref…on est pas loin du Paradis. Pendant cette semaine, je suis étonnamment serein au vu de la course qui m’attend mais le fait de la faire pour la troisième fois y est certainement pour quelque chose. De plus, les derniers entraînements se sont très bien passés (çà ne veut pas dire que ce n’était pas dur, trust me) et mon capital confiance est très haut. Je pense que je suis prêt. Je sens un peu plus de nervosité chez Sébastien et Guillaume (Seb et Chico) mais rien d’anormal et je sens qu’ils sont prêts aussi.

 

Kona – Samedi 12 Octobre – 4h45 - The D-Day

Nous sortons de la voiture, direction le marquage. La folle journée commence. Contrairement à l’ambiance feutrée et très silencieuse rencontrée sur IM le matin, on sent ici de la joie, du bonheur, une effervescence mais aussi de la confiance, de la concentration. 95% des athlètes sont déjà aguerris et ils savent ce qu’ils ont à faire. C’est une autre dimension. C’est Kona. Ce sont les Championnats du monde.

Cette année pas de tampon plein d’encre noire au marquage mais un tatoo, très efficace et qui tiendra bien jusqu’au bout. Affublés de notre numéro, nous allons dans le parc pour finir d’installer notre vélo posé la veille. Gonflage des boyaux, mises en place des gourdes et des barres/gels, une dernière petite vérification et je file rendre mon sac d’après course. Nick et Pat sont là, derrière les grilles. Nick surveille ses poulains et prodigue les derniers conseils. Pour moi, le message est simple : l’exceptionnel va se chercher. Ok Nick, I’m gonna do my best. Et à cet instant précis, je le pense vraiment. je suis prêt à prendre quelques risques pour y arriver.

6h30 les pros viennent de partir au son du canon. Nous sommes à 30’ du départ. Je prends mes élastiques pour commencer mon échauffement. Je suis concentré, déjà un peu dans ma bulle et j’ai hâte d’en découdre. Je repense aux consignes de Nick et à mon plan de marche qui comporte 4 rendez vous clés :

  • En natation partir vite mais pas comme une brute. Bien souffler pour éponger la dette d’oxygène le plus rapidement possible puis essayer de poser une nage efficace jusqu’au demi-tour. Ne pas hésiter à prendre les pieds si le bon poisson pilote se présente.
  • 1er rendez vous clé : après le demi tour, faire l’effort sur 300-400m soit pour se détacher, soit pour prendre le bon groupe de retour, soit un peu les deux. Poussez à fond et se mettre les triceps dans le dur, ils ne serviront plus trop ensuite.
  • T1 ARQP (Aussi Rapide Que Possible)
  • Vigilance et prudence sur la partie en ville. Pas de débauche de Watt dans les pétards du début. 
  • Sur la Queen K, 260W sur la première heure puis au alentour de 240W maximum aéro.
  • Dans la montée d’Hawi, 280W max en utilisant position Aéro ou Aéro main sur les cotés. 
  • Faire la descente à Bloc (Avant de gagner du temps, ne pas en perdre sur les endroits plus faciles)
  • 2ème rendez vous clé : Après le virage à droite pour le retour Queen K, engager un peu de puissance pour faire la différence sur 40km. S’accrocher sur ces 40km, face au vent, aéro maximum et sortir les watts et tenir jusqu’à l’aéroport. 
  • Finir en entretenant la vitesse
  • T2 ARQP (Aussi Rapide Que Possible)
  • CàP Alii Dr pas plus rapide que 4’20’’ au kilo 
  • Montée de Palani en souplesse
  • 3ème rendez vous clé : Queen K en direction d’Energy Lab au alentour de 4’30’’/km
  • Gérer Energy Lab (recup dans la descente, bien s’hydrater), faire la remontée smooth.
  • 4ème rendez vous clé : Du haut d’Energy Lab, essayer de relancer sur 7 km à 4’35’’ au kilo. 
  • Finir en beauté ;) en profiter des 800 derniers mètre si je suis seul (sinon à la bagarre !!)

Cela a l’air simple comme programme non ? Une poignée de main à Nick et Patrice, un dernier regard, un poing rageur et c’est parti pour une belle journée de sport.

Je rentre dans l’eau à 6h45. Hawaï, c’est un départ en plein eau donc il faut rester une dizaine de minute en sustentation. Je parlais de prendre quelques risques. Je décide de me placer au centre, en première ligne. J’ai confiance en moi en natation. Je ne suis pas très rapide mais j’ai un peu progressé donc je compte en profiter. Je me retrouve à coté de mon copain Sébastien Escola Fasseur. Sympa, on va un peu se tirer la bourre. Je ne vois pas le troisième breton, Laurent Suppi mais je ne doute pas qu’il soit devant, c’est un excellent nageur et il est là pour performer.


Le départ est donné pour 3,9 km de natation et comme prévu je pars assez vite. J’ai un assez mauvais souvenir de la natation en 2011. Beaucoup de bastons, de monde, de contact. Mais là, rien, personne. Je nage seul ou presque seul. Je lève la tête plus d’une fois pour voir si je suis dans la bonne direction. Il y a du monde à droite et à gauche mais moi je ne suis pas gêné. Je n’ai pas trop de poissons pilotes mais au moins je peux « poser » ma nage. Enfin, je me retrouve dans un paquet. Je trouve çà presque rassurant. J’arrive au demi tour en 30’30’’. Je suis dans les temps. Il y a un peu plus de bagarre au demi tour mais rien de violent. Je pense à mon premier rendez vous clé et je relance assez fort en natation pour aller chercher le groupe devant. Je longe les bouées jaunes en sautant de poissons pilotes en poissons pilotes. A force de respirer du même coté, je sens une douleur aux côtes à gauche. J’alterne ma respiration. Je lève la tête un peu trop souvent, signe que je commence à trouver le temps long. Enfin, je vois le coin du Pier. J’accélère pour tout donner et surtout pour me recaler dans la bonne direction car je suis trop à droite. J’ai les triceps qui chauffent mais je sens que je suis mieux qu’en 2011 et effectivement, je sors en 1h05, soit 4’ de gagné par rapport à 2011. C’est toujours çà de pris.

Natation – 1h05’05’’ – A ce moment-là je suis 680ème/2134  et 77ème/249 en V2

T1 : Je me rince à l’eau douce, je cours assez vite pour prendre mon sac et je file mettre manchons, chaussettes (pas facile çà ne glisse pas quand c’est mouillé) puis je fais le tour du parc pour récupérer mon vélo. J’enfile mon casque et c’est parti pour 180 km de vélo.

T1 : 4’02’’

Pardon…pardon…oups…pardon…pardon…siouplait…please…ride on the right, ride on the ritgh !!!


Bon j’arrête de dire pardon à chaque fois que je double sinon je vais être épuisé. C’est la foire d’empoigne. Il y a beaucoup de vélos sur cette partie en ville. Je reste concentrer pour ne pas drafter même si sur cette partie il n’y a pas de marshall et même si c’est difficile de ne pas rouler en paquet vu le monde. Je roule à gauche et je double beaucoup. Je monte Palani Road en souplesse et me voilà sur la Queen K pour un long aller / retour de 165 km. Je reste très vigilant quant au règlement. J’essaie d’être le plus réglo possible et cela demande beaucoup de concentration. Je m’alimente régulièrement, au bip. J’ai le droit d’envoyer du 260W pendant la première heure alors j’appuie sur les pédales. Mais le monde sur l’asphalte fait que je roule parfois par à coup. J’ai peur de prendre un carton à cause des gars qui doublent et qui se rabattent à 1m devant toi. Cette gestion permanente me fait perdre un peu de temps et au bout de la première heure et quart sur la KK je ne suis « qu’à » 242W de NP. C’est pas mal mais je comptais un poil plus sur cette partie. J’ai un développement de 54/12 au max. Nick m’a poussé à prendre un 54 (au lieu de mon 52 habituel). Il a bien eu raison et j’ai même parfois regretté de ne pas avoir le 11 dents car j’étais souvent tout à droite. Mais comme je suis en 10 vitesses, le 11/23 a des sauts qui me gêne. Je sais déjà l’amélioration à apporter pour mes prochaines courses : 54/39 devant, 11/23 en K7 avec un dérailleur 11 vitesses. La température monte vite mais elle est loin d’être au max. Nous avons un léger vent favorable et donc la vitesse est assez élevée. Au pied de la montée d’Hawi, au kilomètre 85 j’ai 40,6 km/h de moyenne au compteur. Je me sens bien sur mon Scott Plasma Premium : Merci à Cycle Experts Brest

Aux différents ravitos, toujours très fournis et facile d’accès, il faut être vigilant. Comme il y a beaucoup de monde, des bidons roulent par terre, des athlètes changent de direction rapidement, c’est parfois assez chaud. Je prends un bidon à chaque fois (sauf sur les deux premiers), plus des fois des morceaux de bananes. Je m’arrose la nuque avec de l’eau fraiche. Je me sens bien pour l’instant, je remonte toujours du monde et je prends vraiment du plaisir à être là. Les pénalty box sont toujours remplies, preuve que les arbitres cartonnent, pourtant je me fais souvent reprendre par des paquets sans scrupule, qui une fois devant moi, ralentissent. Je fais bien attention d’avoir la distance réglo avant de redoubler mais ce petit jeu me fait perdre de précieuses secondes qui commencent à s’ajouter. Je reste concentré sur ma course. Le soleil commence à chauffer et je m’aperçois que j’ai oublié de mettre de la crème solaire. Heureusement, je suis déjà un peu bronzé (la Bretagne, çà vous gagne) mais je mettrai de la crème pour la CàP.

Je double Marie Estelle Kiffer, excellente nageuse et bonne rouleuse puisqu’il me faut 85km pour revenir sur elle. Elle me redouble au gré d’un ravito en me lançant un gentil « allez la Bretagne !!! ». Sympa.

Je la redouble et je commence la montée. Je fais l’effort pour passer en tête d’un groupe et je fais une montée solide. Au début le vent est favorable, je me fais doubler, je double mais dans l’ensemble je suis avec les mêmes coureurs. Sur la fin, le vent est de face mais dans l’ensemble la montée aura été rapide. Pendant notre montée, nous croisons les premiers pros avec Starycowicz loin devant et le paquet de favoris derrière. Bizarrement, la descente n’a pas l’air très facile. Je double encore quelques coureurs un peu dans le dur dans la montée. Enfin j'atteins le demi-tour au bout de 2h24 de course (NP 243W).


Évidemment, je shunte le ravito perso pour attaquer la descente le plus rapidement possible. Pas d’état d’âme…à bloc !!! Effectivement les montagnes russes, toutes droites de la fin de descente sont un peu usantes, je comprends l’attitude des pros. Je roule assez fort mais au moindre relâchement (pour faire un petit pipi par exemple), je me fais rejoindre par un paquet dont les éléments n’ont pas l’air de comprendre la règle du drafting...too bad. Je croise mon pote Régis Mahé de Laval. Il n’est pas très loin, je l’estime à environ 7-8’ derrière. Vu que c’est un très bon coureur à pied, ça va être serré sur la ligne. J’arrive en bas, je remonte en souplesse la bosse avant le retour sur la Queen K. et je suis prêt pour mon 2ème rendez-vous clé.  Je suis au 126ème kilomètre et c’est là que les choses se compliquent. Le vent est de ¾ face et assez fort. Si je suis capable de tenir en position aéro un 240W de NP, je serais pas mal. C’est toujours un peu compliqué vu le monde mais dans l’ensemble je m’en sors correctement. Je vois quelques mecs se faire cartonner pour drafting (pourquoi eux plutôt que d’autres ??? Mystère) mais cela n’empêche pas les paquets. Cela sera la grande leçon de cette édition pour moi : trop de monde sur le parcours. Cela ne m’avait pas gêné en 2011 mais là, c’est trop flagrant. Comme tout le monde, je souffre quand même dans les bosses face au vent et je n’arrive pas à sortir mieux que 235W de NP sur ces 40 km, la fatigue musculaire se faisant sentir. Mais je ne me tortille pas trop sur mon vélo, je garde plutôt bien ma position aéro et j’ai l’aéroport en ligne de mire. Là, le confort de la position joue tout son rôle. A ce moment, je double Richard Manson qui est un peu dans le dur. Il a pris une pénalité et est un peu affecté moralement. Il me demande une estimation du chrono vélo. Je lui réponds environ 4h55' si on reste à cette allure. Il s’accroche et ne finira pas très loin à Vélo. Je vois Nick sur le bord de la route qui m’encourage et qui me confirmera que j’avais du monde sur le « porte bagages ». Je retrouve Sébastien Escola Fasseur sur la fin du parcours. Il est un peu dégouté : tu as vu cette course de vélo ? Oui, j’ai vu mais je fais ma course. Tout d’un coup, un gros paquet me double (toujours les mêmes). Je me retrouve bloqué derrière. Il reste une quinzaine de kilomètres et je me sens bien alors je fais une « Froome » : Dans la dernière grosse bosse, je mets le petit plateau, je mouline à mort et je passe tout le monde et je me retrouve devant ce groupe. Je continue mon effort, le plus dur est fait. Je dis à Seb : « Allez, on roule jusqu’au bout ». Là, je prends vraiment du plaisir, les jambes répondent bien et çà envoie du lourd (enfin, à mon petit niveau) et le groupe ne revient pas derrière, en tous cas pas tous. Nous doublons Laurent Suppi sur la fin. Il cale un peu mais rien de grave, la course est encore longue. Nous finissons ensemble (mais réglo) Seb et moi. On se serre la main avant l’entrée au parc. Good Job !! Il ne peut plus rien nous arriver de grave maintenant, on ira au bout c’est sûr.

Vélo : 4h50’19’’ - 37,1 km/h de Moy - 237W de NP - A ce moment-là je suis 257ème/2134  et 14ème/249 en V2

Je descends de vélo. Chaque jambe pèse une tonne et le fait de faire tout le tour du parc en courant permet de retrouver des sensations assez rapidement. Nous sommes côte à côte dans la tente de changement Seb et moi, c’est marrant. Je mets mes running, je prends mon sachet avec lunette, visière, je demande de la crème solaire à un bénévole et c’est parti pour le marathon.

T2 : 3’13’’

Nous partons ensemble avec Seb, il part très légèrement plus vite que moi mais je reviens sur lui doucement. Je regarde ma montre : 6h02 de course – Avec un marathon en 3h28 je passe sous les 9h30 et dans ma tête c’est très clair. Impossible de ne pas réaliser cet objectif. Je vais gérer Kil par Kil et un rapide calcul me montre la voie à suivre : 4’55’’ au kilo à tenir en moyenne. çà doit être dans mes cordes.

Objectif du coach sur Alii drive, pas plus vite que 4’20’’ au kilo. Je n’ai pas de mal à ne pas outrepasser l’objectif vu que je sens que je ne suis pas dans un jour de folie à pieds. Dans la descente de Hualalaï, toute la tribu X-pier est là pour nous encourager (merci Michelle, Katia, Nath, François, Patrice, Ben). Juste avant, Gwen et Sandra n’ont pas manqué de me booster : merci les amis !!!


J’arrive à tenir 4’25’’ – 4’30’’ sur le plat et les faux plat descendant mais dans les montées je cale un peu et sur les ravitos je perds trop de temps à « recharger ». Les sensations sont moyennes mais pas dramatiques. Laurent Suppi me passe assez rapidement avec un petit mot d’encouragement. Il a l’air bien, pas trop vite mais solide. Il fera un bon marathon, bravo !!!. Moi je gère alternant les 4’25’’ et les 4’50’’ et donc je suis en avance sur mon plan de marche. Je ne rate aucun ravito : glace au poignet, boisson énergétique et gel tous les deux ou trois ravitos. Le demi-tour de keauhou (8 km) me permet de faire le point. Je suis à 4’30’’ au kilo en moyenne, Seb est derrière et semble un peu moins bien. Régis est encore assez loin mais il se rapproche. Je relance la mécanique pour finir alii drive et ses faux plats montants usants. Je croise Sébastien Clain et Guillaume Duflou, mes compères de voyages et X-pier men de talents. Ils sont un peu plus loin et très concentrés sur leur effort. Je les encourage au passage. Même si je ne suis pas au mieux, je suis encore largement en dessous de 4’55’’ et chaque seconde de gagnées me donne un peu de marge en cas de craquage (ce que je ne compte pas faire mais on ne sait jamais). Je remonte hualalaï et nos X-Pier supporters sont encore là. Ils ont bien du voir que j’étais un peu moins vaillant, surtout en montée où un cruel petit manque de force se fait sentir. Pourtant, l’état général est plutôt bon. La preuve en est que je dis merci à tous les bénévoles, ce qui est chez moi un gage de lucidité. C’est quand même un événement formidable (et je ne suis pas encore fort minable) alors j’essaie de trouver un peu de ressource pour profiter.

La montée de Palani Road est difficile et je fais des très petites foulées. J’essaie de marcher mais je perds quand même un peu trop de temps alors je me re-mobilise pour trottiner. Surtout qu’en haut m’attends mon troisième rendez vous clé : 4’30’’ au kilo jusqu’à Energy Lab. Ce n’est pas gagné mais sur le faux plat descendant du début de Queen K, j’essaie. Km 17, 4’32’’ mais après çà se dégrade... Il fait chaud mais un léger voile empêche le gros cagnard de frapper. Je prends éponges, glace, iso à chaque ravitaillement et j’avance tant bien que mal en surveillant le pacing. Nick me harangue, me booste, me motive : « Allez Arnaud, 1h50 pour un semi et tu tapes 9h25… Ne lâche rien, go, go. !!! ... Allez Arnaud !!!!! Découpes ta course en petits morceaux…tu récupéreras dans Energy Lab !!! … »


Alors je relance, j’économise tout ce que je peux pour avancer sur la partie la plus dure du marathon, ce long faux plat montant vers E.L. interminable Je scrute l’horizon pour voir les antennes qui annoncent l’entrée d’Energy Lab. Je cours de ravitos en ravitos et enfin, les voilà ces antennes, au kilomètre 26. J’ai un peu raté mon 3ème rendez vous mais je suis encore largement dans le temps pour 9h30 et encore dans les temps pour 9h25.

La descente d’Energy Lab me fait mal aux jambes et je n'arrive pas vraiment à ni accélérer, ni récupérer mais me voilà en bas. Demi tour, ravitaillement. Je croise Régis Mahé qui me fait : « c’est toi qui a mis le chauffage ? ». Il est encore lucide et il se rapproche. Je me mobilise pour la remontée et en haut il me reste 10 km et  50’ pour être en 9h25. Normalement c’est le dernier rendez vous et normalement 4’35’’ au kilo. Je ne pourrais pastenir ce rythme, je le sais mais je sais aussi qu’ici je peux faire 9h25. Je change donc d’objectif mentalement. C’est çà que je vais chercher.

Alors le calcul est simple. Chaque kil doit afficher moins de 5’. Si je perds 10’’ en montée, je dois rattraper 10’’ en descente. Et c’est avec çà en tête que je rejoints l'arrivée, plus Nick que je retrouve plus loin « Allez Arnaud !!! Si tu n’as pas mal c’est que tu peux allez plus vite !!! Va chercher l’Estonien devant !! C’est ici que les places se gagnent… ».

Honnêtement, j’avais fait mon petit calcul et je gérais par rapport à çà et à mes forces restantes. Le dernier faux plat fut terrible mais il ne reste que 2 km ensuite. Je fais la descente de Palani Road très vite. Nous sommes 5 dans un groupe et le sprint est lancé. C'est mort pour profiter sereinement des 800 derniers mètres. Je suis 4ème et je reprends un gars. (Km 41 : 4’13’’). Puis sur le plat je garde mon rythme comme je peux. La douleur s’estompe avec l'arrivée qui approche. Je descends Hualalaï à bloc. Je ne rattraperais pas les gars devant mais je ne me ferais pas rattraper. Les 800 derniers mètres sont à bloc (Km 42 – 4’17’’). Enfin, je vois la ligne, je peux serrer les poings. Je me retourne, j’ai 10m d’avance …c’est bon. Je franchis la ligne en 9h23’55’’.


Marathon : 3h21’16’’ – A ce moment là je suis 186/2134 et 9eme/249 en V2

Les bénévoles accourent vers nous, accolade entre sprinters, sourire, soulagement, content de moi. Je mets quelques secondes à retrouver mes esprits puis les bénévoles m’accompagnent pour récupérer mes affaires, ma médaille et ils me laissent au ravito quand ils sont surs que tout va bien.

Seb arrive 7’ plus tard avec Régis. Et mes supers X-Pier potes arrivent peu de temps après, en un peu plus de 10h00. Beaucoup d’émotions quand ils arrivent. On a vraiment passé une énorme semaine tous ensemble.

Le bilan est très positif pour moi même si je sais que nous avons profité des bonnes conditions météo.

A chaud j’en tire plusieurs enseignements :

  • Pas toujours facile de suivre un plan prédéfini mais çà donne une vraie trajectoire pendant la course.
  • Il faut être prêt à s’adapter à la situation. Comme dit Clint Eastwood dans le Maître de guerre : « Il s’est adapté, il a improvisé »
  • Trop de monde maintenant sur cette course. Avec un niveau automatiquement élevé et resserré, les paquets sont monnaies courantes et malheureusement, trop d’athlètes s’en contente. 
  • Cela sera mon dernier Kona en tant que compétiteur.
  • Pourtant cette course est quand même énorme et la joie qui règne pendant toute la semaine à Kona fait du bien à l’âme
  • En comparant les courbes de puissance des pros et la mienne, outre la différence de puissance moyenne (lol), je m’aperçois que j’ai beaucoup plus de zéros qu’eux. Je dois corriger çà. Pédales Arnaud, pédales !!!
  • J’ADOOOOOORE CE SPORT !!!!

Un grand merci à Nicolas Hémet pour son coaching stratosphérique, sa gentillesse, sa compétence.

Un grand merci à toutes les personnes avec qui j’ai passé une semaine géniale (Michèle, François, Patrice, Ben, Nicky, Seb, Katia, Guillaume, Nath, Nick) dans la villa Tutu et un bisous à Sandra et Gwen que je suis content d'avoir rencontré.

Aloha !!!